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AUX
PAYS-BAS,
«le temps des
discussions conviviales avec les musulmans est révolu».
Dans un pays qui autorise le mariage gay,
l'euthanasie ou le cannabis, «Rita de fer», la
ministre de l'Immigration Rita Verdonk, ne fait, elle,
aucun compromis. Ses nouvelles mesures, qui entrent en
vigueur la semaine prochaine, font des Pays-Bas l'Etat
européen le plus strict envers les immigrés, et
surtout les musulmans.
Certains disent qu'elle est le seul
«vrai mec» du
gouvernement chrétien-démocrate. Car cette ancienne
directrice de prison ne s'en laisse pas conter : elle a
renvoyé des réfugiés dans des pays tels que l'Iran,
l'Irak ou encore
la République
démocratique du Congo. Environ 26 000 réfugiés en fin
de procédure, dont certains étaient dans le pays
depuis plus de dix ans, ont été expulsés. En quatre
ans, Rita Verdonk a réduit le nombre de demandeurs
d'asile de moitié (41 000 en 2005).
Lorsqu'un imam refuse de lui serrer
la main «pour
des raisons religieuses», elle
annule tout de go la rencontre. «Et
quand nous nous reverrons, j'espère que vous parlerez néerlandais
!», lui lance-t-elle. C'était juste après
l'assassinat, en novembre 2004, du cinéaste Theo Van
Gogh par un islamiste. Un assassinat qui a rendu, selon
une enquête, 47% des Néerlandais moins tolérants
envers les musulmans.
«Le
problème est que nous avons toléré les intolérants,
et maintenant nous payons l'addition, explique
Bart Jan Spruyt, directeur de
la Fondation Edmund
Burke, un «think-tank» conservateur. Cette
addition doit être réglée avant que nous ne
redevenions tolérants.».
Après
la France
, c'est le pays qui détient le plus fort taux de
musulmans au sein de l'Union européenne : près de 6%.
Or, près de 90% des Turcs et des Marocains résidant
aux Pays-Bas choisissent leur conjoint dans leur pays
d'origine. «Un
gros handicap pour l'intégration», explique-t-on
au ministère, puisque ces nouveaux venus ne parlent pas
le néerlandais et ne connaissent pas grand-chose des
coutumes bataves.
Imposer «le
néerlandais dans la rue»
En 2010, selon une étude
gouvernementale, les quatre principales villes,
Amsterdam, Rotterdam,
La Haye
et Utrecht, auront une population à majorité
musulmane. Ces villes ont, depuis des années déjà,
testé différentes politiques vis-à-vis de leurs
immigrés.
Traumatisée, en 2002, par
l'assassinat du populiste Pim Fortuyn, qui qualifiait
l'islam de «culture arriérée», Rotterdam a établi
un «code de bonne conduite». Parler néerlandais en
public, refuser la discrimination, rejeter le
radicalisme : les «recommandations» de
la grande cité portuaire seraient passées largement
inaperçues si Rita Verdonk n'avait pas décidé de s'en
inspirer. «Nous
n'attendons pas des étrangers qu'ils fassent du patin
à glace !, clame-t-elle. Mais qu'ils apprennent notre langue et
qu'ils acceptent des valeurs de base, comme l'égalité
homme-femme.»
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Son idée d'imposer «le
néerlandais dans la rue» n'aura
pas fait long feu. En
revanche, dès la semaine prochaine, des tests de
langue et de culture néerlandaise seront
obligatoires pour tous les candidats à
l'immigration. Une première dans le monde !
Les examens auront lieu dans
les ambassades et consulats néerlandais à l'étranger.
Ils seront payants (350 euros), tout comme les
livres, cassettes et CD-Roms de préparation. «Où siège le Parlement ?»,
«Qui
était Guillaume d'Orange ?», les
candidats devront répondre, au téléphone, à
des questions permettant d'évaluer «leurs capacités d'adaptation à la vie néerlandaise».
Au bout du fil... un logiciel de
reconnaissance vocale ! Linguistes et défenseurs
des droits de l'homme ont bien sûr critiqué la méthode,
d'autant que les citoyens originaires de l'UE,
d'Amérique du Nord, du Japon ou d'Australie sont
exemptés.
Des «cours d'intégration»
La loi est clairement destinée
à freiner l'immigration des Marocains et des
Turcs : après avoir relevé, en 2004, à 21 ans
l'âge minimum pour faire entrer son conjoint aux
Pays-Bas,
La Haye
espère faire encore reculer le nombre de mariages
arrangés.
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Quant aux immigrés de moins de 65 ans
installés de longue date aux Pays-Bas, mais qui y ont fait
moins de huit ans d'études, ils se voient désormais obligés
de suivre des «cours
d'intégration». Il y aurait aux
Pays-Bas quelque 700 000 immigrés qui ne maîtriseraient pas
la langue.
Mais c'est Utrecht qui a inspiré à Rita
Verdonk son idée la plus décriée. La quatrième ville du
pays vient de supprimer les allocations-chômage aux femmes
qui s'obstinent à porter leur burqa, ce vêtement islamique
qui recouvre le corps entier, lors d'entretiens d'embauche. «On
fait de notre mieux pour sortir les gens du chômage,
explique Mostapha el-Filali, responsable de l'Intégration
à la mairie. Alors,
si ces femmes ne se donnent aucune chance d'en trouver,
qu'elles en assument les conséquences !»
La mesure ne concernerait qu'une centaine
de femmes aux Pays-Bas. Mais en suggérant, en octobre
dernier, l'interdiction du port de
la burqa dans les lieux publics, «pour
des raisons de sécurité», la ministre
a déclenché l'ire de toutes les associations musulmanes.
«Là,
cela va trop loin, affirme Mostapha
el-Filali. Les
musulmans ont l'impression d'être constamment en ligne de
mire ! Beaucoup n'acceptent plus cette pression et préfèrent,
malgré les problèmes, rentrer chez eux.» En
2004, plus de 4 000 Turcs et 2 600 Marocains sont retournés
dans leur pays d'origine.
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